27 juin 2013

It's a small world (William Castle, 1950)



La prolifique carrière du réalisateur producteur William Castle (1914-1977), surtout célébré pour ses films d’exploitation à gimmicks de la fin des années 50 et des années 60, recèle des perles méconnues. Avant de connaître le triomphe avec « The Tingler » (1959), il avait commis une série de séries B Westerns, Noirs et Guerre où les limites budgétaires étaient souvent compensées par un savoir-faire qui les surclassait et où l’aspect mélodramatique pointait souvent son nez.


William Castle, qui fut aussi le producteur de "Rosemary's baby"

« It’s a small world »  (1950) est mon préféré de ses films fauchés, courts et nerveux, qui ont bien résisté au passage du temps et qui fusionnent les genres dans d’invraisemblables scénarios piochant partout pour régurgiter leur propre folie.

Celui-ci raconte l’histoire de Harry Musk, un jeune garçon d’une petite ville du Midwest américain qui s’étonne de voir ses camarades de classe grandir et muer alors que son développement à lui semble s’être arrêté et que sa voix fluette ne change pas. Sujet de leurs moqueries et harcèlements, il trouve dans un dico médical emprunté à la bibliothèque municipale le sens du mot « Midget » (« nain ») que le médecin de famille a asséné à ses parents lors d’une consultation traumatisante. Sa prise de conscience de son altérité et son expulsion du domicile (son père ne veut plus le voir suite au diagnostic) est le début d’un chemin de croix jalonné de rencontres peu recommandables (bateleurs, escrocs et putes) qui le conduiront de l’enfance à l’âge adulte dans une spirale d’humiliations, d’exploitations et de larcins.  Pris en sympathie par un ancien soldat au chômage qui ne prête guère attention à son handicap, Harry retrouve confiance en lui et tente de reprendre le droit chemin en se faisant embaucher par une troupe de cirque itinérante dans laquelle travaille une séduisante petite naine…


Le film appartient de plein droit au genre du « coming of age film » pour lequel le cinéma américain a  toujours eu une véritable passion : seules les épreuves individuelles forgent le caractère et la personnalité et permettent l’épanouissement nécessaire à une vie réussie. Ici, la toute petite taille du héros favorise les situations embarrassantes qui sont autant de chapitres de son apprentissage douloureux, notamment auprès des femmes qui lui en font voir de toutes les couleurs. Sa camarade de classe pour laquelle il avait un coup de coeur lui préfère un sportif costaud, son oncle chez qui il se refuge éclate de rire chaque fois qu’il le voit, la belle pépée qui lui laisse espérer une liaison est une prostituée qui lui pique ses économies et s’envoie en l’air dans la pièce d’à côté avec son mac, la bonne mémé russe qui le recueille est une voleuse professionnelle qui l’envoie sur le trottoir faire les poches des bourgeois...


L’exploitation (au sens propre et au sens figuré) est donc au centre de ce film dont l’histoire racontée comme ça peut faire craindre le pire navet. Pourtant, il n’en est rien : William Castle n’avait pas encore versé dans les trucs et gimmicks extérieurs qui désamorçaient la narration au profit de l’effet pour la titillation immédiate du spectateur. « It’s a small world » n’oublie pas l’émotion et les épreuves que traverse courageusement son petit héros sont sincèrement touchantes, comme l’est son amitié durable avec le personnage séduisant du « guy next door », véritable ange gardien qu’il rencontre sur un banc et qui lui offre (métaphore ou pas) un bout de son sandwich en lui donnant une perspective sur la vie. Les scènes finales, dans le décor des coulisses d’un cirque ambulant, tout en sacrifiant au happy end de bon aloi, laissent un goût amer puisque le seul refuge que trouvera Harry Musk contre la violence des rapports sociaux extérieurs semblera n’exister qu’entre les murailles d’une autre société, close sur elle-même sous la loi du qui se ressemble s'assemble.


Dans un rôle qui occupe chaque scène du film, le lilliputien Paul Dale (dont ce fut apparemment le seul film, à part peut-être une figuration dans « Le Magicien d’Oz ») s’en tire très bien, transmettant à l’écran les multiples émotions qui le traversent au fil de ses aventures, de la peine à la colère, de l’abattement à l’espoir. Sa petite voix de canard fait des merveilles dans un moment de grâce complètement inattendu, quand il se lance à la fin dans une chanson entraînante qui donne son titre au film. Son seul public est une jeune employée du cirque, lilliputienne comme lui, dont le physique m’a fait penser à une Lana Turner miniature qui aurait le sourire d’Ann Blyth. Pour quelques instants, le réalisateur mélange les genres en ouvrant au mélodrame social d’« It’s a small world » les portes de l’absurde et de la comédie musicale. Et ça fonctionne.


Bien sûr un film de William Castle reste un film de William Castle et une scène enfonce le clou de l’Exploitation jusqu’à la garde : celle où une énorme matrone au physique de ballon d’hélium accueille le petit homme terrifié chez elle. On sent là que le vieux roublard qu’était le réalisateur se délecte de l’effet obscènement comique des contrastes physiques. Et ça marche, évidemment car c'est un peu pour ça qu'on était venu.


D'un point de vue technique et visuel, le film rengorge de plans intéressants (en plongée, contreplongée, surimpressions, gros plans…) manifestement hérités des exemples du Film Noir sur lesquels Castle avait fait ses armes. Bref, « It’s a small world » est un très bonne surprise, un petit film comme son petit héros mais qui professe sa leçon de tolérance à la différence avec une assurance qui fait plaisir à voir.



J’ai remarqué depuis longtemps que mes films bis préférés mettaient souvent en scène des nains, des nonnes et des nazis. Celui-ci ne fera pas exception à la règle.

"It's a small world" en disponible en DVD Z1 US dans la collection Warner Archive. Image et son excellents. Pas de sous-titres français.

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