21 septembre 2008

The Third Man Private Collection (Vienna)


A l’occasion d’un récent séjour à Vienne, je me suis amusé à arpenter la ville sur les pas des personnages du film Le Troisième Homme (The Third Man) de Carol Reed - tourné à Vienne pour les extérieurs en 1948 - et je me suis rendu compte à quel point les sites du film sont encore pour la plupart bien conservés et reconnaissables. J’avais un peu dans l’idée de faire ça avant d’arriver à Vienne mais quand j’y étais, je me suis vraiment pris au jeu, et c’est une façon très sympa (sans être exclusive) de découvrir la capitale autrichienne. Et tard le soir, quand les rues éloignés de la cathédrale sont désertes, on pourrait souvent se croire dans une scène du célèbre film.
J’ai aussi appris sur place qu’il existait un musée entièrement consacré au Troisième Homme, Der Dritte Man Museum (The Third Man Private Collection). J'ai décidé d'y aller illico, vous parlez ! Est-ce le seul musée au monde consacré à un film ? Je ne sais pas mais je n’en connais pour ma part aucun autre du genre.

Alors que je leur demandais si je pouvais faire quelques photos, les collectionneurs et créateurs du musée, Karin et Gerhard, à la passion et à l’enthousiasme communicatifs, m’ont non seulement autorisé mais m’ont demandé d’en parler autour de moi pour faire venir plus de visiteurs. C’est un musée entièrement privé qui vit des ses entrées. Voilà donc, pour les cinéphiles qui passeraient un jour par Vienne, un petit topo sur ce musée formidable.

Le 3mpc (un acronyme pas très heureux pour le musée : Third Man Private Collection) occupe dix pièces au rez-de-chaussée d’un ancien bâtiment industriel de la Pressgasse. Karin et Gerhard collectionnent des souvenirs liés au Troisième Homme depuis une dizaine d’années et ont décidé de montrer leurs trésors au public il y a trois ans. Leur collection augmente sans cesse et le musée s’est étendu depuis son ouverture en 2005 : comme certaines pièces ne communiquent pas entre elles, il faut ressortir deux fois dans la rue pour voir toutes les salles (c'est bizarre, mais ça a son charme).

Le musée est conçu en deux sections bien distinctes : la première au film lui-même, avec plusieurs salles remplies de mémorabilia d’époque ou postérieure et la seconde à l'histoire de Vienne entre 1918 et 1955.

Une première salle est consacrée à l’équipe du film (production et distribution : Korda & Selznick ; scénario : Greene ; réalisation : Reed ; acteurs : Cotten, Valli, Welles, Howard et tous les autres). Il y a des affiches, photos, contrats, correspondance, coupures de presse… Un objet émouvant est le béret porté dans le film par le terrifiant petit Hansel qui occupe une vitrine. Une vidéo récente donne la parole à Herbert Halbik (le petit garçon est aujourd’hui un homme de 65 ans qui n'a jamais fait d'autre film) qui raconte ses souvenirs du tournage à Vienne et Londres.

Une autre salle est consacrée à Anton Karras et à la bande originale du film. Des dizaines et des dizaines de pochettes de 78T, 45T, 33T et CD couvrent les murs et rappellent l’immense triomphe de l’air composé et joué par Karras sur sa cithare. La pièce sans doute la plus précieuse de toute la collection est la cithare originale sur laquelle Karras a enregistré sa célèbre partition, qui a en grande partie fait le succès du film. C’est une acquisition récente du musée qui fait, à raison, la fierté des deux collectionneurs.

Une autre salle présente une importante collection d’éditions du livre The Third Man de Graham Greene. Tous les formats, toutes les couvertures, toutes les langues et de toutes les décennies depuis sa sortie. Un best-seller s’il en est.

Ensuite, une petite pièce noire recrée l’ambiance d’un tunnel des égouts de Vienne. Pour le fun, mais ça n’a pas vraiment d’intérêt (en fait, cette pièce a une autre utilité : elle cache la sortie de secours).

Puis une petite salle avec canapés est un espace de consultation libre de livres sur tout ce qui concerne le film, sur Vienne de la guerre et de l’occupation, sur le genre du film noir et du thriller. Les bouquins sont principalement en anglais et allemand. C'est bien pratique pour se poser un moment pendant la visite. On peut même prendre le thé (offert dans une thermos).

Ensuite, il faut ressortir dans la rue et on entre à nouveau dans le bâtiment, par une porte qui donne sur une salle transformée en petit ciné-club : quelqu’un du musée descend un écran devant les visiteurs assis et passe une bobine d’extraits du Troisième Homme sur un projecteur ancien qui est celui-là même ayant servi pour la première du film à Vienne en 1950. Les scènes du film sont muettes mais le projecteur fait un boucan d’enfer car il est dans la salle et pas dans sa cabine de projection. Les murs de la salle de ciné sont couverts d’affiches internationales, anciennes et récentes, du Troisième Homme. L’affiche française originale est en très bonne place, cocorico… On y voit aussi toutes les éditions VHS et DVD du film.

A côté de cette salle, une petite pièce est consacrée au petit café des environs de Vienne qu’Anton Karras avait acheté avec son cachet du film et dont il s’est occupé jusqu’à sa mort en 1985. On y voit des photos, menus et souvenirs de ce lieu où Karras jouait de temps en temps son air à la cithare pour le plus grand plaisir de ses clients. Le propriétaire du musée y allait régulièrement et c’est comme ça qu’il a pu rencontrer Karras et lui acheter ou se faire offrir des objets rares pour sa collection en constitution. On peut donc dire que c’est Anton Karras lui-même qui est, indirectement, à l’origine du musée. Plutôt sympathique.

Puis on ressort encore dans la rue et on passe dans une troisième partie du bâtiment qui présente la seconde thématique du musée (c'est la partie plus récente du musée) : l’histoire de la ville de Vienne entre la fin de la Première Guerre Mondiale et 1955, date du Traité d’Etat de l’Autriche, qui lui rendait sa totale indépendance. Il y a trois pièces remplies de documents, photos, journaux, objets, uniformes, flacons de pénicilline… qui racontent les bouleversements qu’a connus Vienne entre 1918 et 1955 : entre autres la fin de l’Empire, l’Anschluss, le Nazisme et la Guerre, les bombardements alliés de la fin de la guerre, l’Occupation des 4 armées de l’après-guerre, le Marché Noir, la reconstruction et la signature du Traité de 1955. C’est une partie du musée qui est évidemment très historique, qui n’est pas sur le film Le Troisième Homme lui-même, mais qui replace parfaitement bien son histoire et son scénario dans le contexte socio-politique de l’époque. C’est passionnant mais un peu lourd à digérer en une fois tellement il y a de documents à voir.

Puis on peut revenir à l’entrée du musée où un tout petit espace-boutique propose affiches, cartes postales, mugs et bouquins divers sur Le Troisième Homme. Un super livre a l'air d'être : "The Third Man's Vienna" par Brigitte Timmermann, bourré de photos et qui dit tout sur le film et son tournage Vienne (mais à 49 €, il est un peu cher).

Bref, le 3mpc est un musée totalement original, né de la passion de deux viennois pour leur ville et pour un film devenu avec les années un grand classique du cinéma britannique (et au passage, le film élu "meilleur film britannique de tous les temps" par le British Film Institute).

Evidemment, après avoir visité le musée, on ne peut pas ne pas avoir envie de revoir Le Troisième Homme, même si on le connaît par cœur. Et c'est facile : il passe deux fois par semaine depuis 1950 dans un ciné du centre-ville de Vienne. Alors, si vous passez par Vienne, prenez une heure pour découvrir ce musée : vos 7.50 € (6 € tarif réduit) seront bien utilisés à aider ses créateurs dans leur aventure audacieuse et tellement originale. Quand j'y étais, un samedi vers 15h00, il y avait 6 visiteurs dans le musée, autant dire pas grand monde (mais chacun semblait absorbé par la visite). En même temps, un musée comme ça avec quelques visiteurs, donne une impression de secret bien gardé assez en accord avec le film qu'il commémore. Mais enfin, il leur faut sans doute plus de visiteurs pour se maintenir à flot.

Le Musée du Troisième Homme est situé Presgasse 25 (tout près du Naschmakt et du Pavillon de la Sécession) à la station de métro « Kettenbrückengasse ». Il est seulement ouvert le samedi après-midi, de 14h00 à 18h00. Par ailleurs, une visite guidée sur le thème du Troisième Homme est organisée par Vienna Walks sur les lieux du tournage tous les lundis et vendredis à 16h00 : «Sur les Pas du Troisième Homme » (par la Brigitte du livre mentioné plus haut). Il paraît que c’est une visite très intéressante mais je ne l’ai pas suivie : en fait, je l’avais déjà faite moi-même.

Le site web du musée pour vous donner une idée : http://www.3mpc.net/start.htm

Et pendant que j'étais à Vienne, je suis aussi allé sur les pas des deux personnages de Before Sunrise (Linklater, 1995) mais c'est une toute autre histoire...

1 commentaire:

  1. Le troisième Homme est un film légendaire. Il est en effet difficile de le regarder, et de ne pas avoir une terrible envie de prendre un billet d'avion pour se rendre à Vienne. J'espère que le musée existe toujours et que j'aurai l'occasion de m'y rendre.

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