20 septembre 2008

Oh ! What a Lovely War (Richard Attenborough, 1969)

Oh! What a Lovely War est, comme son titre le suggère, un film complètement atypique. Ce n'est pas un film de guerre ni une comédie musicale mais plutôt un pamphlet anti-guerre rythmé par des chansons d'époque mises en scène. Une vraie bizarrerie.

L'histoire est celle de cinq frères anglais (les Smith, au hasard) qui partent enthousiastes à la Guerre de 14 sur le front de la Somme pendant que chez eux, à Brighton, la vie des civils continue et que les politiques en haut-de-forme et les militaires médaillés jouent - au sens propre du terme - le jeu diplomatique et stratégique.

On passe sans cesse - et souvent en continuité dans même plan - entre la boue des tranchées et les vernis de l'Establishment. J'ai eu un peu de mal à entrer dans le film à cause de ces allers-retours incessants et puis les idées de mise en scène ont commencé à m'intriguer puis à me fasciner. Par exemple : sur la jetée de Brighton, un forain (Jean-Pierre Cassel) présente un spectacle de marionnettes qui se transforme en manège de chevaux de bois qui devient un stand de tir sur le champ de bataille et redevient, ensanglanté, le décor du théâtre de marionnettes. Il y a plein de choses comme ça, très surréalistes. Une douzaine de grands comédiens britanniques ont au moins une scène (de Dirk Bogarde à Maggie Smith, de Laurence Olivier à Vanessa Redgrave) : c'est un des plaisirs du film de les découvrir ici ou là.

Il y a quelques problèmes pourtant. La longue scène d'introduction (un résumé des origines de la Guerre de 14) est trop statique et abstraite. Mais elle annonce les expérimentations de Lars von Trier dans Dogville et Manderlay. On n'arrive pas à identifier ni s'attacher aux cinq frères parce qu'aucune scène ne dure assez pour les caractériser. L'idée de ne reprendre que des vraies chansons des années 1910 - dont les paroles sont parfois ironiquement réécrites - est excellente mais leurs mélodies et rythmes ont pris un bon coup de vieux et elles passent difficilement aujourd'hui. Ca ressemble à du Gilbert & Sullivan si vous voyez ce que je veux dire. Et les allées-venues entre le champ de bataille et Brighton sont un peu répétitives à la longue.

Beaucoup de moments sont formidables et certains très émouvants : un recrutement en chansons dans un théâtre (Maggie Smith en grande forme), une scène de réconciliation temporaire entre Anglais et Allemands dans les tranchées le jour de Noël (revu récemment dans le film Joyeux Noël), une chanson "Les Sacrifiés" chantée en français par Pia Colombo dans un cabaret militaire (la meilleure scène du film pour moi), une diatribe anti-militaire exaltée de Vanessa Redgrave en suffragette, une scène dans une église en ruine dans la campagne, l'irruption tonitruante des Américains sur l'air de "Over There", la fin avec un travelling arrière magistral...

O!WALW est un film très ambitieux et créatif, dont l'origine théâtrale reste prononcée mais qui contient d'innombrables idées de mise en scène (c'était la première réalisation de Richard Attenborough) qui doivent se révéler encore plus lors de nouvelles visions. La série bien choisie de chansons d'époque illustre à merveille l'évolution psychologique des soldats qui partaient au conflit, de l'excitation au désespoir. Oh! What a Lovely War date de 1969 (l'image récurrente du coquelicot, symbole de la mort qui fauche les soldats, renvoie aussi sans doute au Flower Power) et la Guerre du Vietnam est en filigrane. Le message du film sur la folie de la guerre n'a évidemment pas pris une ride. Au final, j'ai beaucoup aimé ce film hybride, énorme métaphore qui ne ressemble vraiment à aucun autre film que j'ai vu (il pourrait définir un genre à lui-seul) mais j'imagine aussi qu'on lui reste complètement hermétique. Pour moi, ses 2h20 sont passées très vite mais pour d'autres, elles pourraient bien être interminables. C'est en tout cas une vraie curiosité et un film très significatif de la liberté de ton et de forme du ciné de la fin des années 60.
C'est assez étonnant qu'il soit aussi peu mentionné et reconnu. Apparemment c'était - jusqu'à la sortie du DVD - à cause d'une bataille juridique entre la production et le créateur de la pièce originale...

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