20 septembre 2008

Les Lèvres Rouges (Harry Kümel, 1971)



Formidable découverte que ces Lèvres Rouges (sorti par Blue Underground en DVD Z0 sous le titre anglais Daughters of Darkness).

C’est un « film de vampires » belge tourné en 1971 par Harry Kümel avec un casting international de 4 acteurs principaux : l’américain John Karlen, la québécoise Danielle Ouimet, l’allemande Andrea Rau et surtout la française Delphine Seyrig.

Un couple nouveau marié (Karlen & Ouimet) s’arrête dans un hôtel désert d’Ostende et y rencontre pour son malheur deux femmes vampires (Seyrig et Rau) qui y sont aussi descendues. Delphine Seyrig est Elizabeth Batory, la comtesse sanglante qui se baignait dans le sang de vierges pour conserver sa jeunesse, et Andrea Rau son esclave et compagne de débauche. Seyrig flashe sur la jeune mariée dont elle aimerait faire son quatre heures (du matin). Il y a des scènes de séduction et de mort et un jeu de cache-cache avec un cadavre encombrant.

La plastique du film est son principal atout. Le réalisateur a décidé de n’utiliser que des paysages froids : la Mer du Nord en hiver et ses plages désertes, l’hôtel abandonné (qui préfigure celui de Shining), les routes de la campagne belge la nuit… et de les contraster avec la couleur rouge. Les lèvres écarlates de Seyrig et de Rau, les robes flamboyantes de Seyrig et quelques coulées de sang bien placées sont les seuls éléments vifs des 4/5e du film. Les plans sont tous composés de façon admirable, comme des tableaux : Kümel s’est inspiré du Marienbad de Resnais et des peintures de Chirico et de Delvaux. Par contre, les quinze dernières minutes rappellent le chromatisme et l’énergie des films de la Hammer.

Mais l’intérêt principal des Lèvres Rouges, hormis ses visuels, est l’extraordinaire performance de Delphine Seyrig, qui a trouvé dans ce rôle un répondant à ses prises de position féministes de l’époque : elle se délecte de son rôle, l’archétype de la « lipstick lesbienne » dont le look et le jeu sont volontairement calqués sur celui de Marlene Dietrich des Années 30 (et qui seront repris par Deneuve dans Cat People). Ses scènes de flirt et de domination de l’innocente et sculpturale Danielle Ouimet (oui mais quoi ?) sont des grands moments d’érotisme et d’humour pervers. Le film a été tourné en anglais et les accents internationaux des acteurs donnent un côté surréaliste au texte qui colle parfaitement au film. Je vous laisse imaginer la voix identifiable entre toutes de Delphine Seyrig susurrant des mots doux à l’oreille de sa proie dans un anglais au fort accent français : un régal ! Et son sourire sans pareil, qui a toujours été exploité par tous ses metteurs en scène, est ici de presque chaque plan, même quand elle est très en colère.

Bref, du fantastique vampirique, de l’érotisme lesbien, de la nudité subtile, de la poésie surréaliste, de la créativité plastique et l’incomparable Delphine Seyrig dans un des ses meilleurs rôles : que demander de plus ? Dit comme çà, on pourrait penser à du Jean Rollin - qui personnellement m’ennuie - mais c’est mieux, beaucoup mieux. Les Lèvres Rouges semble avoir été un peu oublié dans les pays francophones mais il fait apparemment (IMDb, Cult Movies…) l’objet d’un culte fervent dans les pays anglo-saxons. C’est un film qui le mérite bien. C’est une bizarrerie mais c’est aussi un excellent film. Le découvrir en DVD vers minuit depuis mon canapé alors que la pluie frappait les fenêtres fut un grand moment de bonheur.

Le DVD Blue Underground est Zone All. Image et son excellents. Pas de sous-titres (mais c’est un film assez peu bavard et les accents français aident à la compréhension). Commentaires + 3 interviews récentes du réalisateur, de Ouimet et de Rau.

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