21 septembre 2008

Blast of Silence (Allen Baron, 1961)


Blast of Silence (Baby Boy Frankie en français...) est un film dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'à très récemment et dont j'ai trouvé le DVD MK2 en occase. Il prouve une fois de plus qu'il y a encore tellement de films obscurs à redécouvrir...

De l'intrigante première scène (au début, on ne sait même pas ce qu'on voit puis on se rend compte que c'est le héros qui naît, le bébé du titre français) à la fin brutale, Blast of Silence est une sorte de tragédie individuelle qui reprend les codes du théâtre antique en les transposant dans un film noir de 1961. C'est le résumé de l'histoire d'un tueur fatigué dont la fin transforme l'existence en destin. Un film noir qui parle de la naissance, du chemin tortueux de la vie, de la mort. Le tout porté par un choeur - une voix off qui pourrait être celle de Dieu ou pas - qui commente, tutoie le héros et fait avancer le récit.

Une arrivée à Manhattan, des rencontres avec quelques créatures des bas-fonds et d'ami(e)s d'un autre temps, une sortie dans une boîte de jazz, la réalisation incertaine d'un contrat crapuleux et le jugement sans appel : le film ne perd pas son temps dans des chemins de traverse mais fonce vers son but en 76 minutes d'une rare sécheresse.

Réalisé dans l'urgence et la dèche, les contraintes du réalisateur et principal acteur (Allen Baron, une présence), ont aussi été ses meilleures alliées : filmé en N&B pendant Noël 1960 dans les rues de Manhattan, sur le ferry et dans la zone de Staten Island, le parcours du solitaire "Baby Boy" Frankie est aussi un quasi documentaire sur un New-York définitivement disparu. La scène finale, tournée par hasard en plein milieu d'un ouragan qui s'abattit sur la côte près de New-York, propulse le film dans un lyrisme à la beauté tragique.

Tout dans le film est crépusculaire : l'histoire, la photo, la voix-off. Et les seuls instants de répit conduisent le personnage principal à sa plus cruelle désillusion. Excellence de tous les acteurs, du montage et de l'illustration musicale. Si il y a un archétype de film noir existentiel (et les films noirs le sont presque tous), c'est bien celui-là, qui fait le pont en 1961 entre le cinéma classique d'avant les années 60 et le jeune cinéma à venir des années 70.

Concis, rageur, désespéré, poétique, sans cesse surprenant et d'une profondeur métaphysique rare, Blast of Silence est entré d'un coup dans le haut du panier de mes films préférés du genre. Et quel titre inspiré que ce Blast of Silence ("Détonation de Silence"), qui évoque parfaitement la densité du film, un titre bien meilleur que Baby Boy Frankie, autrement plus faible. Un film que je vous recommande sans réserve.

L'édition MK2 est excellente, avec un documentaire d'une heure : le retour sur les lieux du tournage en 1990 avec le réalisateur. Criterion vient de l'éditer aussi en DVD en Z1.

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