20 septembre 2008

Trois Femmes (Robert Altman, 1977)

La liste des "Great Movies" de Roger Ebert qui figure sur son website étant quasiment irréprochable, je me suis laissé tenter par sa chronique de 3 Femmes de Robert Altman, l’un des films les plus difficiles à voir du grand Bob mais disponible aujourd’hui dans une splendide édition DVD Criterion.

3 Femmes (3 Women) est sorti en 1977, l’année de Star Wars rappelle-t-on dans le leaflet qui accompagne le DVD, et ces deux films montrent la voie que le ciné américain empruntera à partir de là : le blockbuster avec Star Wars et l’indépendant avec 3 Femmes (même si 3 Femmes, à l’époque, est encore un film de studio).

Très fortement influencé par Persona de Bergman, 3 Femmes décrit la relation de dépendance qui s’installe entre deux jeunes femmes (Shelley Duvall et Sissy Spacek) qui se rencontrent dans un sanatorium du désert californien où elles travaillent et qui deviennent colocataires. La troisième femme du titre est une de leurs voisines, une étrange femme enceinte qui dessine d’effrayantes (vraiment effrayantes) figures mythologiques au fond d’une piscine vide. Comme Persona, le film entraîne le spectateur dans un étrange rapport amour/haine des deux personnages, dans un changement brutal de rôle au deux tiers du film (suite à un incident violent) et dans une conclusion en points de suspension à laquelle je n’ai pas compris grand-chose, si ce n’est que ces 3 Femmes sont passées de l’autre côté du miroir.

Robert Altman raconte qu’il a eu l’intuition de son film lors d’un rêve, alors qu’il somnolait près du lit de sa femme hospitalisée. Dans le film, une longue séquence expérimentale décrit un rêve que fait Shelley Duvall. L’eau est très présente (bassins, piscine, liquide amniotique…) au milieu d’un paysage par ailleurs totalement désertique. Le film suggère plein de choses qu’il ne montre pas : on devine la présence de puissantes forces des ténèbres sous le soleil écrasant du désert (la caméra revient sans cesse aux monstres peints par la femme enceinte, des sortes d’idoles précolombiennes combattantes). Des petits détails reviennent sans cesse : par exemple, à chaque fois qu’elle monte dans sa voiture, Shelley Duvall se prend la jupe dans la portière et un morceau de tissu en dépasse. Ca n’a l’air de rien, mais Altman, par la répétition, en fait un signe très inquiétant.

Et surtout, le film est porté par ses deux actrices : Shelley Duvall (qui remporta à juste titre le prix d’interprétation féminine à Cannes) et Sissy Spacek, tout juste sortie de Carrie. Elles y sont toutes les deux extraordinaires. Shelley Duvall dans le rôle d’une jeune femme seule obsédée d’ordre, qui court après les aventures sans lendemain et qui essaye désespérément d’établir le contact avec son entourage (collègues et voisins) pour lequel elle est comme invisible (littéralement, presque comme l’héroïne de Carnival of Souls). Son jeu d’actrice dans les scènes où elle se rend progressivement compte que quelque chose déconne grave chez Sissy Spacek est absolument génial. J’avais lu quelque part que Kubrick avait choisi Shelley Duvall pour The Shining après l’avoir vue dans 3 Femmes parce que « elle ne sait pas jouer » (déclaration plus que douteuse pour qui l’a vue dans le film d’Altman). Sissy Spacek est grandiose, comme d’habitude, dans le rôle difficile d’un personnage qui change de personnalité en cours de film. Entre rébellion adolescente (ses scènes d’apprentissage au sanatorium sont très drôles), coma et folie absolue, elle est un vilain petit canard inoubliable. Le jeu de ces deux actrices aux physiques si étranges et dérangeants sont la première, mais non la seule, raison de voir 3 Femmes, qui est pour moi une très grande découverte et l’un des nombreux chefs-d’œuvre, mais complètement atypique celui-là, de Robert Altman.

Un film que je recommande absolument à ceux qui aiment les expériences cinématographiques alternatives (et Sissy Spacek). Et merci encore M. Roger Ebert ! Je me suis rendu compte que le mot "étrange" revient sans cesse dans ce post mais c'est vraiment le mot qui convient le plus à ce film étrange...

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