20 septembre 2008

10 Rillington Place (Richard Fleischer, 1971)

Avec son 10 Rillington Place (L’Etrangleur de Rillington Place), le toujours étonnant Richard Fleischer s'attaque au scalpel au cas criminel qui a fait tomber la peine de mort en Grande-Bretagne : celui de John Reginald Christie, pervers sexuel et tueur en série des années 1940-1950.

Christie anesthésiait chez lui (dans une petite maison ouvrière du 10 Rillington Place, Londres) des femmes auxquelles il proposait divers services médicaux (du soin de rhume à l'avortement), les violait, les tuait et cachait leur corps dans le jardin, les murs, sous le plancher… Un jeune couple (Tim & Beryl Evans) avec un bébé loue pour son malheur un deux-pièces dans la maison…

Après Compulsion (1958) et L’Etrangleur de Boston (1968), 10 Rillington Place est le troisième volet de la «true crime trilogy» de Fleischer. C’est le meilleur (à mon avis) de ces trois excellents films, le plus éprouvant aussi. Fleischer choisit le parti-pris de la sobriété dans une mise en scène à la limite du documentaire et une gamme de couleurs d’une tristesse absolue qui reflète l’horreur froide de l’histoire et la détresse des personnages. La reconstitution des meurtres et de leurs conséquences est présentée dans leur ordre minutieux, selon une logique de machine infernale muée par la perversité de Christie et la naïveté d’Evans : le sentiment de malaise qui envahit le spectateur dès la première scène ne se relâche plus durant les 110 minutes du film. Une véritable plongée dans les abysses de l'âme humaine.

Richard Attenborough (méconnaissable en papy psychopathe, menteur et mythomane) et le jeune John Hurt (formidable en père de famille illettré, menteur et mythomane lui-aussi) incarnent leurs deux personnages à la perfection. A eux deux, ils transmettent au spectateur toute la palette des émotions, de l’abattement à la rage, de l’incompréhension au cynisme : un magnifique duel d’acteurs. La situation du personnage d’Evans, irrespirable, fait penser à celle d’une mouche prise dans une toile d’araignée. Le jeu de Hurt pendant la scène de son procès devrait être étudié dans tous les cours d’art dramatique. Aucun effet gratuit dans ce film courageux et pionnier, à mille lieux des films popcorn de serials-killers actuels. Aucun moralisme non plus : seulement la narration épurée d'un enchaînement terrible de circonstances et d’un cas exemplaire d’erreur judiciaire. L'ensemble des scènes et dialogues est tiré des témoignages d'époque et des transcriptions des deux procès (Evans et Christie).

Le fait de savoir que Fleischer a réalisé son film sur les lieux-mêmes des crimes, juste avant que l’impasse de Rillington Place ne soit démolie, fait, quand on y pense, froid dans le dos. Le film présente la version telle qu'elle est racontée dans le livre essentiel sur l'affaire Christie : 10 Rillington Place de Ludovic Kennedy (qui a d'ailleurs été consultant sur le tournage). Aujourd'hui encore, les avis des spécialistes divergent sur la responsabilité possible d'Evans dans le meurtre de sa femme et de sa fille. Le film, lui, est un diamant noir.

1 commentaire:

  1. Très bon film. Tout à fait d'accord avec votre analyse.
    Je viens de publier un article sur ce film pour mon site consacré au cinéma britannique.

    Nicolas
    http://www.cinemaderien.fr

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