3 mars 2024

Films vus par moi(s): mars 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Un marteau pour les sorcières / Kladivo na čarodejnice / Witchhammer (Otakar Vávra, 1969) **
En 1670 en Moldavie, un inquisiteur obtient par la torture les aveux de femmes d'un village accusées de commerce avec le Diable. Un film historique tchèque superbement réalisé qui reste d'une actualité brûlante. La dénonciation par métaphore de la corruption, des mascarades de procès et de l'écrasement des individus par l'URSS d'il y a soixante ans s'applique à nouveau, hélas, aux dictatures actuelles. Quant à celle du traitement des femmes par les religions du livre... Choc et subtil à la fois. BR FR

Un homme comme tant d'autres / Nothing but a man (Michael Roemer, 1964) ***
En Alabama, un ouvrier noir essaye de construire son couple et sa vie dans l'étouffant contexte ségrégationniste. Porté par l'interprétation formidablement juste de ses acteurs (Ivan Dixon, Abbey Lincoln...), un film qui regarde droit dans les yeux les conséquences sociales et affectives de la discrimination raciale. Au-delà du remarquable aspect politique engagé, la réussite plastique et émotionnelle est totale. Longtemps oubliée, c'est d'évidence une oeuvre-clé des Sixties. BR FR

Terrifier (Damien Leone, 2016) 0
Un serial killer costumé en clown s'attaque à deux jeunes femmes un soir d'Halloween. Presque entièrement situé dans un entrepôt décrépit, un film d'horreur qui se réfère dans son style et son ambiance aux classiques du genre des 70s/80s, mais en bien plus gore. Mais comme il n'y a pas de second degré, que les actrices sont incapables et que le scénario est d'un basique inepte, on finit par s'ennuyer ferme. Seul le clown est bien, c'est trop peu et c'est un vrai gâchis. BR UK

Dersou Ouzala / Dersu Uzala (Akira Kurosawa, 1975) ***
En 1902 en Primorie (Extrême-Orient russe), le capitaine Arseniev, en mission de cartographie, rencontre le chasseur autochtone Dersou (Maxime Mounzouk, extraordinaire) qu'il prend comme guide dans la taïga. L'amitié entre deux hommes que tout devrait séparer s'épanouit dans la beauté et la brutalité d'une nature sauvage sublimement filmée et une succession de séquences inoubliables. Un film d'une grandeur d'âme et d'une générosité rares, simplement l'un des plus beaux du monde. Cinéma

Olivia (Jacqueline Audry, 1951) ***
Vers 1890 près de Fontainebleau, une nouvelle arrivante dans pension de jeunes filles s'éprend de la directrice lesbienne. Un film en costumes au décor foisonnant - par Jean d'Aubonne - qui explore le surgissement du désir chez une jeune femme face à la retenue confuse d'une supérieure. L'étonnante modernité vient de l'absence totale de jugement sur les personnages et du jeu impérial d'Edwige Feuillère en reine des abeilles. Avec Simone Simon en "épouse" jalouse. DVD Z2 FR 

Je t'aime Je t'aime (Alain Resnais, 1968) ***
Après une tentative de suicide, un homme est soumis à une expérience de voyage dans le temps : pour une minute, il doit retourner un an jour pour jour en arrière. Et le spectateur est soumis à l'expérience de la fragmentation de la narration, déconstruite en de multiples flashbacks interrompus. Derrière la recherche formelle radicale et pionnière de Resnais, un film infiniment triste sur la prison de la dépression et de la culpabilité. Claude Rich, le cobaye, est d'une sensibilité bouleversante. BR US   

Drifter (Pat Rocco, 1974) **
À L.A., un type à la dérive se prostitue pour des hommes et des femmes tout en cherchant un sens à sa vie. Tourné en 1969 par un pionnier oublié du cinéma gay, ce parent pauvre de "Macadam Cowboy" (1969) sent le navet puis, au fur et à mesure, trouve son histoire, son rythme et son style. Pour devenir un document passionnant sur une époque et son cinéma des marges. Etrangement, la médiocrité de l'acteur (Joed Adair) rend son personnage touchant. Une chouette redécouverte. BR US

Brian and Charles (Jim Archer, 2022) *
Dans la campagne anglaise, un inventeur solitaire allumé construit un robot bric et broc capable de parler, d'apprendre et de ressentir. Un conte au message positif sympathique mais aux conflits complètement attendus. Surtout, le choix radical de faire s'adresser l'inventeur (David Earl, assez exaspérant) au spectateur m'a empêché d'entrer dans l'histoire. Du Kitchen Sink pour notre temps dont le meilleur sont les paysages et la B.O. électronique de Daniel Pemberton. BR UK

5 femmes à abattre/ Caged heat (Jonathan Demme, 1974) ***
Dans un pénitencier pour femmes, cinq détenues trouvent une occasion de s'échapper. Parmi les classiques  des Women in Prison films, celui-ci s'approche de "Caged" (John Cromwell, 1950). C'est de la Sexploitation 70s bien sûr mais la mise-en-scène, l'humour camp et le formidable casting de dures à cuire (Juanita Brown, Erica Gavin, Rainbeaux Smith...) maltraitées par Barbare Steele en directrice handicapée est exaltant. Avec un message féministe bien de son temps. BR FR  

Prey (Dan Trachtenberg, 2022) **
Dans la forêt américaine de 1715, une jeune femme Comanche découvre qu'une créature invisible rôde sur le territoire de sa tribu. Le préquel de Predator (1987) et de ses suites est un pur survival, sans autre enjeu que l'action et l'empowerment de son héroïne à mille lieues de Schwarzenegger. La plus-value est le contexte indien et surtout le décor vraiment splendide des paysages sauvages, au naturel et avec sans doute un peu de CGI. BR BE

4 février 2024

Films vus par moi(s): février 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Zombi child (Bertrand Bonello, 2019) ***
En 1962 à Haïti, un homme est zombifié pour travailler dans une plantation. En 2017, sa petite-fille intègre à Saint-Denis la Maison d'Education de la Légion d'Honneur où elle dévoile l'histoire à quelques camarades. Interprété par de formidables jeunes actrices, un film passionnant qui interroge le désanimé occidental face à l'irrationnel vivant, ici le vaudou. Circulant dans le temps et l'espace, le scénario n'affirme rien mais donne à réfléchir sur les oeillères du monde blanc. Une superbe découverte. BR FR

Hélène de Troie / Helen of Troy (Robert Wise, 1956) ***
Enfuie avec son amant Paris à Troie, la femme de Ménélas et reine de Sparte déclenche une guerre entre les deux villes. En CinémaScope et Technicolor, L'Illiade de Robert Wise est un flamboyant spectacle porté par des moyens impressionnants et un scénario qui sabre avec intelligence tout en rafraîchissant la mémoire. Si Jacques (Jack) Sernas est un peu terne en Paris, Rosanna Podesta est une Hélène de rêve. Le Cheval aussi. BR US 

Un petit coin aux cieux / Cabin the the sky (Vincent Minneli, 1943) ***
Tué dans une embrouille, un bon à rien se voit offrir un bonus de six mois par un ange et un démon qui luttent à le racheter ou le perdre. Le couple qu'il forme avec sa femme (formidable Ethel Waters, qui porte le film) structure ce merveilleux Musical au casting entièrement noir (Lena Horne, Rex Ingram, Duke Ellington...) qui a scandalisé le Sud des Etats-Unis. Vu aujourd'hui, l'audace est incroyable, amplifiée par la bienveillance, la joie de vivre et l'entrain de l'ensemble. BR US

Dagon / Dagon, la secta del mar (Stuart Gordon, 2001) **
Naufragé près d'un village de pêcheurs, un jeune couple est attaqué par des mutants vouant un culte à Dagon. Lovecraft est l'un des auteurs les plus difficiles à adapter à l'écran -  personne n'a réussi - mais ce film à petit budget s'en sort plutôt bien avec son décor décomposé, son atmosphère humide et sa suggestion de l'horrifique. Il y a des ratés - l'acteur principal est nul - mais l'esprit lovecraftien, si particulier, est bien là. BR FR

Eegah (Arch Hall Sr., 1962) NSP
Dans le désert de Palm Springs, un jeune homme préhistorique de 2,18m s'éprend d'une pépée brune qu'il enlève. Inspiré de King Kong, ce navet fauché est si nul en toutes parts - situations, dialogues, mise en scène et acteurs - que l'ensemble s'en trouve étonnamment réjouissant. Dans le rôle du néandertalien Eegah, le géant acromégale Richard Kiel à ses débuts. Après rasage, c'est lui le plus beau. Un véritable ABC du Z. DVD Z2 FR

Centurians of Rome (John Christopher, 1981) **
Dans la Rome antique, deux travailleurs agricoles sont kidnappés et vendus comme esclaves à Caligula. Un classique du porno gay du tournant des 80s, c'st-à-dire avec un semblant de scénario, de mise-en-scène et du poil au cul. Dans le genre c'est pas mal du tout, comme un Steve Reeves hard. Avec une célèbre couille dans le titre, Star Wars et Tchaikowsky en B.O. et un budget payé sur le casse d'une Brink's. Culte ? Internet

Bajirao Mastani (Sanjay Leela Bhansali, 2015) *
Vers 1735, le chef hindou Bajirao marié à la noble Kashibai prend pour seconde épouse la musulmane Mastani, provoquant la colère de sa mère. D'après un célèbre épisode de l'histoire indienne, un blockbuster épique et conjugal bollywoodien de 2h30 qui m'a vite ennuyé par sa mise en scène à facilités - les interminables ralentis - malgré la beauté des stars et le luxe déployé. Mais deux séquences musicales, la danse des femmes et surtout la danse des hommes, sont géniales. BR FR

Les algues vertes (Pierre Jolivet, 2023) NSP
A Saint-Michel-en-Grève dans les Côtes d'Armor, la pigiste de radio Inès Léraud (Céline Sallette) enquête sur le déni des élus et des agriculteurs dans le scandale des algues vertes tueuses. D'après l'excellente BD écrite par la journaliste elle-même, un film purement informatif - presqu'une docu-fiction - qu'on regarde avec intérêt et un sentiment de dépit. La plus-value cinéma, elle, serait trop injuste à noter. BR FR 

Problemos (Eric Judor, 2017) **
Un couple de Parisiens et leur fille en visite dans une communauté zadiste de l'Ardèche s'y retrouve coincée pour se confiner d'une pandémie qui se déclare dehors. Prémonitoire en 2017 ! Une satire mordante - pas méchamment - des utopistes de l'extrême qui est très drôle et politiquement incorrecte, un peu brouillonne aussi. Le casting, dont Eric Judor et Blanche Gardin, fait des étincelles. DVD Z2 FR

Maurice Tourneur, Tisseur de rêves (Pierre Filmon, 2024) ***
Adapté - par elle-même - du livre de Christine Leteux sur Maurice Tourneur, un documentaire de 65' sur le réalisateur français parti en 1914 aux USA et devenant un des génies du muet avant de revenir en France. Cette période américaine, objet principal du film, révèle de superbes extraits de films sur des partitions sur mesure de Stephen Horne et les voix d'Anne Alvaro et d'Emmanuel Lemire. Un travail admirable !  

Le règne animal (Thomas Caillet, 2023) ***
Dans les Landes, des mutations créent des humanimaux, capturés pour être mis dans des réserves. Un père dont le fils est touché cherche à le protéger. Malgré un petit coup de mou au milieu, un film fantastique "à la française" qui fait la part belle aux sentiments dans l'épreuve et à la réflexion sur la nature du vivant. Les images sont splendides, l'onirisme puissant et Romain Duris et Paul Kircher, bouleversants. BR FR

Les Maîtres de Rome (Constance Colonna-Cesari, 2023) 
Entre 1513 et 1516, Michel-Ange (38 ans), Raphaël (30 ans) et Léonard de Vinci (61 ans) se retrouvent tous les trois à Rome pour travailler au service du pape Léon X. La compétition féroce va révéler leurs personnalités profondes et leur faire produire une série des chefs-d'oeuvre inégalée. Un documentaire de 52' sur une page peu connue de l'histoire de l'art. Je ne critique pas car je l'ai co-écrit. ARTE et arte.tv

Barbie (Greta Gerwig, 2023) *
Prise de questionnements existentiels, Barbie quitte Barbie Land avec Ken et découvre la vraie vie à Los Angeles. Intrigant et amusant pendant le premier quart d'heure, le blockmonster de 2023 assène son salutaire message libérateur et égalitaire avec une lourdeur, une emprise de Mattel et des visuels vite écœurants. Ennuyé, j'ai regardé le film d'un oeil distrait pour me faire l'opinion légitime qu'il n'était pas pour moi. Mais Margot Robbie et la petite séquence du ballet des Ken sont formidables. BR FR

3 janvier 2024

Films vus par moi(s): janvier 2024


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Maison Margiela Artisanal Collection 2024 Video (John Galliano, 2024) ***
A partir des images du défilé Margiela de la Fashion week parisienne de janvier 2024, Galliano a imaginé un court-métrage de 30' d'une créativité exaltante qui commence par une chanson, continue avec un film et termine avec le défilé lui-même sous le pont Alexandre III. L'atmosphère de bouge, entre Toulouse-Lautrec et Jack l'Eventreur, sied parfaitement aux sublimes costumes portés par les modèles qui évoluent avec un body language fascinant. L'art de la mode à son sommet. YouTube

Lypsinka: Toxic Femininity (Chloë Sevigny, 2024) ***
Un One Wo/Man Show de John Epperson dans son personnage culte et hystérique de Lypsinka qui lip-synch (rejoue en playback) des bandes sonores de Women's Pictures américains et des enregistrements rares de Judy Garland et de Joan Crawford. Chloé Sevigny donne au moyen-métrage une apparence et des effets vidéo qui le rendent étrangement intemporel, autant 1970s que 2020s. C'est un sommet high camp truffé de références aux icônes queer du temps jadis. Et une performance. Internet / thenewgroup.org

Pooky Park (AI, 2023) ***
Une satire géniale de pub TV des années 50 pour un parc d'attraction un peu spécial. En 2'55, ce très court-métrage est à la fois amusant et effrayant dans son histoire et ses scènes surréalistes. Fortement inspiré par The Twilight Zone, il a été entièrement réalisé par intelligence artificielle (ChatGPT pour le scénario, Midjourney pour les images, PikaLabs et Runway pour l'animation). Démontrant les mutations en cours dans l'industrie du cinéma, c'est excitant et terrifiant à la fois. YouTube 

Jeu d'enfant / Child's play (Tom Holland, 1988) **
A Chicago, l'esprit d'un serial killer tué prend possession de Chucky, une grande poupée rousse offerte à un gamin. Un classique de l'horror 80's qui a bien tenu le coup par son mélange d'absurdité, d'humour - la langage ordurier de la poupée infernale - et d'action et par son look 100% d'époque. Le petit garçon cible du jouet joue comme un pied mais il y a Brad Dourif qui prête sa voix à Chucky et les effets spéciaux sont d'avant les CGI. Tout ça est vraiment sympathique. BR US

Acide (Just Philippot, 2023) **
Dans les Hauts-de-France, une adolescente et ses parents séparés fuient vers la Belgique pour échapper à des orages d'acide sulfurique mortels. Sur fond du sujet brûlant des mutations environnementales, un film-catastrophe à la française centré sur ses trois personnages, tous renfrognés et malaimables. C'est l'originalité principale de ce survival désespéré, qui malgré un scénario pas assez ficelé, réserve des images puissantes et une superbe interprétation de Guillaume Canet. BR FR

Le cabanon rose (Jean-Pierre Mocky, 2016) **
Dans un village de la Drôme, les habitués d'un mini bordel disparaissent les uns après les autres. Un assureur nain (Christophe Fluder) et un gendarme local alcoolique enquêtent. Je n'aurai jamais pensé dire un jour que Jean-Marie Bigard est génial mais là, en bourrin bourré, chapeau l'artiste ! Une chouette comédie noire du dernier Mocky aux dialogues et au casting énormes : Bernard Menez, Henri Guibet, Richard Gotainer, Grace de Capitani, François Hadji-Lazaro... BR FR

Parlez-moi d'amour / Che femmina!! E... que dollari! (Geogio Simonelli, 1961) *
A Naples, deux duos d'enquêteurs américains (dont Jacques Sernas et... Raymond Bussières !) cherchent l'héritière inconnue d'une milliardaire new-yorkaise. L'idiotie du scénario est compensée par l'absurdité cocasse des situations, les seconds rôles caricaturaux, l'Eastmancolor, le look 1960 et, bien entendu, la raison d'être du film : Dalida à 27 ans qui chante "Les gitans", "Itsi bitsi, petit bikini", "Romantica", "Milord", "Parlez-moi d'amour" et "'O sole mio". DVD Z2 FR

Pearl (Ti West, 2022) **
Au Texas pendant la grippe espagnole de 1918, une jeune fermière qui rêve d'être danseuse calme ses frustrations par le meurtre. Préquel sur la jeunesse de la vieillarde de "X" (2022), une plongée dans la pathologie mentale entièrement centrée sur la performance  - voix, regard, langage corporel - de l'étonnante Mia Goth, nouvelle reine de l'Horror. On pense à "Carrie", à "Misery" ou à la Dorothy du "Magicien d'Oz" devenue psychotique. Pas mal du tout, dans le genre. BR FR 

Rimini (Ulrich Seidl, 2021) **
Un crooner quinquagénaire allemand (Michael Thomas, formidable) qui se produit l'hiver dans des hôtels pour seniors de Rimini et gigole un peu pour ses fans âgées voit débarquer sa fille adulte dont il ne s'est jamais occupé. Il y a plus de tendresse que d'habitude chez Seidl dans cette comédie pathétique sur un loser prêt à tout pour quelques billets et applaudissements. L'humour froid et provocateur du réalisateur autrichien peut séduire ou dégoûter. C'est l'objectif assumé. DVD Z2 FR

Compartiment n°6 / Hitty nro 6 (Juho Kuosmanen, 2021) **
En 1996, une archéologue finlandaise lesbienne et un ouvrier russe rugueux partagent un compartiment dans un train Moscou-Mourmansk. Le choc des personnalités n'est pas le sujet, qui est celui de la rencontre de deux jeunes gens esseulés qui ont besoin de l'autre, malgré tout. Si la dernière partie à l'arrivée est un peu faible, tout le voyage est captivant, porté par la mise en scène, le décor et les deux acteurs (Seidi Haarla et le charismatique Yuriy Borisov). Un film touchant. BR FR   

Jeanne du Barry (Maïwenn, 2023) **
Personnalité et attitude de la dernière favorite de Louis XV face à l'attachement du roi et à la défiance de la cour. Film historique - visuellement superbe - à la psychologique actualisée à l'époque contemporaine, cette déclaration d'amour de l'autrice-réalisatrice à Mme du Barry et à elle-même pourrait avoir comme sous-titre "Maïwenn à Versailles". Le geste narcissique, outrancier, m'a constamment amusé. La production et le reste du casting sont royaux. BR FR  

Anatomie d'une chute (Justine Triet, 2023) ***
A Grenoble, une écrivaine est jugée pour le meurtre de son mari, tombé d'une fenêtre de leur chalet de montagne. C'est la chute d'un homme autant que celle d'un couple qui sont disséquées dans ce film brillamment écrit, mise en scène et interprété - Sandra Hüller et le jeune Milo Machado-Graner sont époustouflants - qui présente par ailleurs la dynamique d'un procès de façon à la fois pédagogique et haletante. Un sommet du cinéma français contemporain. BR FR

Synchronic (Moorhead & Benson, 2021) 0
A La Nouvelle-Orléans, deux ambulanciers sont confrontés à une drogue de synthèse qui permet de voyager dans le temps. L'un d'eux décide de l'essayer et se trouve une mission à réaliser. Un dérivé de "La machine à explorer le temps" - donc un sujet en or - détruit dans sa seconde partie par la pauvreté de l'enjeu du voyage et l'accumulation absurde des invraisemblances. C'est dommage car ça démarrait plutôt pas mal. H.G. Wells et George Pal peuvent dormir tranquilles. BR FR

4 décembre 2023

Films vus par moi(s): décembre 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Saltburn (Emerald Fennell, 2023) NSP
En 2006 (sans doute pour éviter que les portables prennent trop de place), un étudiant boursier d'Oxford se lie d'amitié avec un autre, appartenant à l'aristocratie britannique. Je n'ai pas vu plus de 20' - et la dernière scène - du film "dont tout le monde parle", assommé par l'écriture, la définition des personnages, les nudités pour le buzz et la réalisation formatée Style Plateforme. Dans le genre Queer, revoir "Théorème" ou "Le talentueux Mr. Ripley" ? Un pur produit de racolage à mon avis. Prime Video

Sparta (Ulrich Seidl, 2023) **
Un quadragénaire autrichien aux penchants pédophiles ouvre un centre de judo pour jeunes garçons dans un village roumain. Les films de Seidl explorent la part triste de l'humain avec un nihilisme de ton et une froideur dans la mise en scène. Celui-ci n'échappe pas à la règle et explore l'un des plus grands tabous sans aucune scène révoltante mais dans une tension constamment dérangeante où le danger et la violence peuvent survenir à tout moment. Un cinéma des limites. DVD Z2 FR

Les Grandes Manoeuvres (René Clair, 1955) **
Vers 1900, un lieutenant de dragons volage s'éprend d'une divorcée qu'il a séduite par défi entre collègues. Sur une structure narrative et visuelle théâtrales et une photographie couleur magnifique, un marivaudage de conquêtes et de rumeurs à la réalisation soignée mais à l'esprit aujourd'hui assez désuet. Si Michèle Morgan peut agacer avec son personnage maniéré et son ton mélancolique, Gérard Philipe est admirable. Un classique qui m'a plu surtout pour sa beauté plastique. BR FR

Possessor (Brandon Cronenberg, 2020) *
Grâce à un technologie de pointe, une tueuse professionnelle s'implante dans le cerveau d'anonymes, qui effectuent les missions pour elle. Un thriller d'horror technologique, psychologique et organique bien dans les pas du père (David) de son réalisateur, entre épure et gore. Le sujet est très bon mais j'ai été tenu à distance par la froideur de l'ensemble et les zones obscures de la narration. Il reste une histoire, des acteurs et des visuels mais l'engagement est absent. BR UK

Bye Bye Birdie (George Sidney, 1963) ***
En 1963, une teenager d'une ville de l'Ohio est tirée au sort pour être embrassée dans un show TV à succès par l'idole pop Conrad Birdie. Bonbon acidulé aux couleurs Haribo, une time capsule d'Americana et un joyeux Musical truffé d'inventivité visuelle et de chansons dansantes exaltées par la mise en scène dynamique de Sidney. Culture de la célébrité, rapports parents-enfants, Guerre Froide : l'époque y est inscrite, incarnée par l'irruption d'Ann-Margret, sensationnelle. BR US

The Crown, Saison 6 (Peter Morgan & Stephen Daldry, 2023) **
Diana, Margaret, Queen Mum et Elizabeth II par suggestion : les morts des femmes ponctuent la saison finale de The Crown, ouvrant la porte à Charles/Camilla et William/Kate. L'excellence de la production et du casting et le fascinant hybride d'histoire - dont on a été des témoins médiatiques - et de romanesque font qu'on regarde ça comme un soap opera, même si les ficelles narratives et de mise en scène sont devenues familières. Avec une touchante dernière séquence. Netflix

Hercule, Samson et Ulysse / Ercole sfida Sansone (Pietro Francisci, 1963) *
Ayant fait naufrage en Judée, Hercule et Ulysse y rencontrent Samson. Ensemble, ils affrontent les Philistins et Dalila. Un peplum italien tardif un peu poussif qui mêle en Technicolor l'Ancien Testament et la Mythologie Grecque dans un remix à la gloire des culturistes, dont le rouquin Kirk Morris (Hercule). Ça c'est plutôt marrant. En revanche, les résonances avec la situation actuelle entre Israël et Gaza - auxquelles je ne m'attendais pas du tout - m'ont mis étrangement mal à l'aise. DVD US 

The Banshees of Inisherin (Martin McDonagh, 2022) ***
Sur une petite île irlandaise, un habitant décide de rompre les liens avec son meilleur ami, laissant celui-ci désemparé. Au-delà de la métaphore sur la situation des deux Irlandes, une fable inspirée sur l'amitié et ses accidents. Dans le décor cinégénique de la campagne côtière, Colin Farrell - génial de vulnérabilité - et Brendan Gleeson s'affrontent dans ce qui ressemble à une tragédie shakespearienne, situation et personnages. Un film superbe et profondément touchant. BR FR 

Je verrai toujours vos visages (Jeanne Herry, 2023) ***
Soutenus par des médiateurs, des victimes d'agressions dialoguent avec des agresseurs détenus en prison. Une plongée dans les techniques de la Justice Restaurative, un programme méconnu de réparation par la rencontre et la parole. Seul un casting impeccable et une réalisation précise peuvent réussir à jouer les émotions et le naturel d'un film de conversations et de langage corporel sans paraître artificiel. Celui-ci y parvient et c'est vraiment passionnant.  BR FR

Le lycéen (Christophe Honoré, 2022) ***
Dévasté par la mort accidentelle de son père, le désarroi de sa mère et le renfermement de son grand frère, un garçon gay de 17 ans va passer une semaine à Paris. Histoire de chute et de ressaut, de liens familiaux et de quête de soi, un beau film sur la douleur et l'adolescence traité avec sensibilité et porté par Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste et Erwan Kepoa Falé. La mélancolie, la sensualité et l'énergie vitale s'y panachent superbement. BR FR

Voulez-vous danser avec moi ? (Michel Boisrond, 1959) **
Une jeune femme dont le mari (Henri Vidal dans son dernier rôle) est soupçonné du meurtre d'une prof de danse enquête dans l'école de celle-ci. Un film policier léger et sympathique comme tout porté par une Brigitte Bardot qui n'a jamais été aussi belle. La faune colorée qui peuple l'histoire - une vamp rousse, des homosexuels et des travestis (dont le plus grossier qu'on puisse imaginer) -, le casting et la gaité générale en font un petit chef-d'oeuvre queer et camp. BR FR

Le Monde après nous / Leave the World behind (Sam Esmail, 2023) *
Retranchées dans une résidence de Long Island, deux familles subissent les effets d'une cyberattaque globale qui désactive les moyens de communication. Sur un sujet prometteur, un film raté qui tente de plonger le spectateur dans la même confusion que ses personnages sur une mise-en scène roublarde et gratuite - montages parallèles, points de vue en surplomb, caméra virevoltante... - typique de la grammaire Netflix. Sur un concept proche, revoir le terrible "Testament" (Lynne Littman, 1983). Netflix 

Seules les bêtes (Dominik Moll, 2019) *
Cinq personnes sont mêlées de près ou de loin à la disparition d'une femme dans la neige des Causses. Un pur film de narration, au scénario choral alambiqué fait d'allers-retours temporels et truffé de coincidences invraisemblables. On comprend vite les ficelles mais l'histoire est assez prenante pour qu'on aille jusqu'au bout. Denis Ménochet excelle comme toujours et la séquence à Abidjan montre un pan de cybercriminalité très intéressant. A regarder comme un téléfilm. BR FR

Miracle à Milan / Miracolo a Milano (Vittorio de Sica & Cesare Zavattini, 1951) ***
Une jeune homme candide fait le bien auprès des habitants du bidonville qu'il habite. Derrière le titre qui présage d'une bondieuserie, une fable humaniste et politique ancrée à gauche sur les espoirs et les luttes des déclassés. Le style Néo-réaliste de l'époque éclate sous l'omniprésence du merveilleux dans le scénario et les images. Francesco Golisano est fascinant dans le rôle du héros malgré né dans un champ de choux-fleurs. Un film d'une richesse et d'une poésie uniques. BR UK

La dernière séance / The last picture show (Peter Bogdanovich, 1971) ***
En 1952 au Texas, les jours d'ennui de deux jeunes hommes dans leur petite ville où rien ne se passe. Avec le cinéma local, le sexe - triste - est le seul refuge pour faire passer le temps dans ce film terriblement mélancolique sur l'écoulement des jours et des vies. Une élégie d'Americana loin des clichés où Timothy Bottoms et Jeff Bridges sont secondés par un casting formidable - avec des réserves pour Cybill Shepherd - qui semble tout droit sorti des Fifties. BR DE

1 novembre 2023

Films vus par moi(s): novembre 2023

*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

The Fabelmans (Steven Spielberg, 2022) **
De 1952 à 1965, la jeunesse en famille d'un garçon qui veut devenir réalisateur de cinéma. Spielberg revoit ses débuts dans ce film largement autobiographique construit sur les moments charnière de son parcours d'adolescent. C'est une pure tranche d'Americana typiquement spielbergienne dans sa tendresse pour les personnages, la composition des plans, le montage. Michelle Williams en mère instable porte l'ensemble, illuminé par les petits films du cinéaste en herbe. BR BE

Burning days / Kurak günler (Emin Alper, 2022) ***
Dans une petite ville d'Anatolie, un jeune procureur venu d'Ankara se heurte aux édiles dans une affaire de corruption autour de l'accès à l'eau. L'histoire, construite sur des flashbacks déroutants et qui laisse les pistes d'interprétation ouvertes, est prétexte à dénoncer le renfermement de la Turquie actuelle sur le populisme, le racisme et l'homophobie. Le rythme entre thriller et western, l'excellent casting et la réalisation inspirée rappellent les classiques paranoïaques des années 70. BR FR

L'enfer des zombies / Zombi 2 (Lucio Fulci, 1979) *
Son père ayant disparu, une jeune femme de New York part aux Caraïbes accompagnée d'un journaliste pour tenter de le retrouver mais c'est des zombies affamés qu'ils trouvent. Bénéficiant d'une critique généralement élogieuse, ce film comme presque tous les films d'horror italiens est un navet. Les acteurs sont nuls, les maquillages grossiers et l'histoire sans solidité. Il reste du gore audacieux pour l'époque et surtout un bon usage du CinemaScope. Très moyen. BR UK

La croisière du Navigator / The Navigator (Buster Keaton & Donald Crisp, 1924) ***
Deux jeunes gens gâtés doivent apprendre à se débrouiller quand ils se retrouvent seuls à bord d'un paquebot à la dérive. Les gags de situation s'enchaînent sur un rythme trépidant dans cette comédie qui multiplie les prouesses : la scène de poursuite dans les coursives est un chef-d'oeuvre de précision. Et comme souvent chez Keaton, la femme n'est pas un faire-valoir mais l'égale, dans son action, de l'homme. La partie des "cannibales", en revanche, est bien de son époque... BR FR

Smile (Parker Finn, 2022) **
Après qu'une patiente se soit suicidée devant elle en souriant, une jeune psychiatre sombre dans la psychose, pensant être poursuivie par une entité maléfique. Un bon exemple du nouvel âge d'or du film d'horror qui mixe fantastique et psychiatrie en évoquant la notion de trauma individuel et transgénérationnel. Comme il n'y a aucun second degré, que l'actrice principale (Sosie Bacon, fille de Kevin) est très bien et que le réalisateur connait les ficelles du genre, on ne se fait pas avoir. BR FR

Jody et le faon / The yearling (Clarence Brown, 1946) **
Dans le bayou de Floride vers 1875, un couple qui mène une vie fermière laborieuse laisse son fils de dix ans adopter un faon. Un classique du film familial hollywoodien qui résiste aux bons sentiments pour se centrer sur les épreuves traversées et la mort qui rode. Le tout en décor naturel ou en studio et sur une image Technicolor somptueuse. Si Gregory Peck et Jane Wyman sont parfaits, le jeune Claude Jarman, Jr a un jeu très maniéré, seule réserve pour prétendre au sommet. BR US

Charlie et ses deux nénettes (Joël Séria, 1973) ***
Un quadragénaire à la cool sympathise avec deux copines de vingt ans qu'il emmène vendre des toiles cirées sur les marchés. Serge Sauvion, Jeanne Goupil et Nathalie Drivet forment un trio formidable dans cette comédie qui explore le petit monde des marchés de province avec ses hôtels et ses restos. Le film dégage une atmosphère début des années 70 plus vraie que nature et une grande tendresse pour ses trois personnages principaux. Avec Jean-Pierre Marielle en bonimenteur. BR FR

L'Arche de Noé / Noah's Ark (Michael Curtiz, 1928) ***
Faute, punition et rédemption de l'Humanité pendant la Genèse et la Première Guerre Mondiale. Entrelaçant deux histoires, un film hybride à la fois peplum biblique et mélodrame de guerre, épique et intimiste et muet avec des séquences parlées. La mise en scène est grandiose, notamment pour le Déluge, qui provoqua la noyade de figurants. Erotisés par la caméra, les trois acteurs principaux - George O'Brien, Dolores Costello, Guinn "Big Boy" Williams - sont beaux comme pas permis. Web/Internet Archive

Ulysse / Ulisse (Mario Camerini, 1954) ***
De Nausicaa aux Prétendants, quelques étapes obligées du voyage d'Ulysse. Une très bonne adaptation de L'Odyssée, évidemment simplifiée mais qui en conserve l'esprit dans ses grandes lignes. Sans temps mort ni superflu, le Cyclope, les Sirènes et Circé rythment la narration, portée par de bons effets spéciaux et un Technicolor inventif. En couple séparé par les Dieux, Kirk Douglas et Silvana Mangano (Pénélope) sont étonnamment crédibles et touchants. Une belle surprise. BR FR 

Le Dibbouk / Dybuk (Michal Waszyński, 1937) **
En Pologne en 1835, une jeune fille est possédée par l'esprit de son soupirant décédé. Tourné à Varsovie d'après la pièce à succès, le mélodrame fantastique qui est le plus célèbre des films du cinéma yiddish. La beauté des plans et quelques moments superbes - les danses - n'empêchent pas quelque ennui dû à l'enchaînement des scènes de rituels sociaux et religieux hassidiques. Mais chaque image témoigne d'une culture balayée par la guerre et fait du film un document unique. DVD Z2 FR

Sans filtre / Triangle of sadness (Ruben Östlund, 2022) ***
Une croisière de luxe qui ne se passe pas comme prévu redistribue les cartes des rapports de classe entre passagers et équipage. Comme à son habitude, le réalisateur n'y va pas de main morte sur la dénonciation des élites sociales avec cette satire qui tire sur tout ce bouge dans l'ultra-richesse. La charge n'est pas légère mais produit son effet cathartique, comme dans les deux séquences centrales des sentences marxistes et du dîner mal-de-mer. On aime ou on déteste. BR FR   

Le jardin des Finzi-Contini / Il giardino dei Finzi Contini (Vittorio de Sica, 1970) **
Entre 1938 et 1943 à Ferrare, deux familles bourgeoises juives de la ville sont peu à peu piégées par nouvelles lois antisémites fascistes. Au début, l'écrin de la photographie esthétisante et la beauté des jeunes acteurs du film (Dominique Sanda, Fabio Testi, Helmut Berger...) peuvent agacer mais ils se révèlent au final très éloquents dans l'évocation de la fin d'un monde. Sans violence ni mélodrame mais avec une profonde mélancolie, le message résonne. BR FR

Dawson City : Le temps suspendu / Dawson City : Frozen time  (Bill Morrison, 2020) ***
L'histoire de la petite ville aurifère de Dawson dans le Yukon à partir de bobines de films muets retrouvées par hasard en 1978, enterrées dans le permafrost. Un documentaire extraordinaire, superbement construit. Le profond sentiment de mélancolie qui s'en dégage, porté par les images des gens d'un temps disparu et la musique élégiaque qui les accompagne s'accorde à merveille au sujet, qu'il universalise. La fin est l'une des plus belles choses que j'ai vues. BR FR

Une journée particulière / Una giornata particolare (Ettore Scola, 1977) ***
Le 6 mai 1938 à Rome, une mère au foyer et un homosexuel cultivé se rencontrent dans leur immeuble que les autres occupants ont quitté pour aller assister à l'accueil d'Hitler par Mussolini. Sophia Loren et Marcello Mastroianni sont sensationnels dans leurs rôles à contre-emploi de deux âmes seules que tout sépare et que tout va rapprocher. Sur fond de radio des actualités fascistes et par une mise-en-scène magistrale, le film tisse son propos, qui reste plus que jamais d'actualité. BR US

La saignée (Claude Mulot, 1971) **
Témoin d'un meurtre à New York, un français revenu se réfugier chez sa mère en baie de Somme est suivi par un flic et un tueur américains. Le contraste entre le début dans le Manhattan de 1970 et la suite en Picardie maritime est l'une des surprises de ce thriller existentiel à la fois lyrique et sauvage où Bruno Pradal joue un anti-héros bien de son temps aux prises avec la mafia et des locaux assoiffés de vengeance dans un décor improbable. Une belle redécouverte. BR FR

Le vampire de Düsseldorf (Robert Hossein, 1965) *
Au début des années 1930, un tueur en série se lie avec une chanteuse de cabaret tout en poursuivant ses crimes. Librement inspiré - comme "M" de Fritz Lang - de l'histoire de Peter Kürten, un film assez étonnant, pas tant par son scénario plan-plan que par son style hybride. Le traitement académique est bousculé par l'expressionnisme de la photo et le jeu Nouvelle Vague de Marie-France Pisier. Très bon dans le rôle titre, Robert Hossein est tout en solidité fragile. BR FR

Nuovo Olimpo (Ferzan Özpetek, 2023) 0
A Rome, deux garçons se rencontrent dans un cinéma en 1978, tombent amoureux et, séparés par le destin, se retrouvent trente ans plus tard. Tout est fade et tout est faux dans ce pesant mélodrame académique qui étire sur un ton monocorde et sans aucune trouvaille de mise en scène sa narration poussive. La poudre grise sur les cheveux des acteurs pour les vieillir sent le moisi comme la lumière dorée et les ralentis. C'est Almodovar hélas qu'il eût fallu. Netflix

Le grand défi / Ercole, Sansone, Maciste e Ursus, gli invincibili (Giorgio Capitani, 1965) **
Devant prouver qu'il est l'homme le plus fort du Monde devant Omphale, Hercule est mis au défi de battre Samson. Mais Dalila a coupé les cheveux de celui-ci. Le film est l'un des derniers peplums italiens, une sorte de comédie de boulevard parodiant avec ironie les stéréotypes du genre. Les acteurs sont de second grade, l'humour balourd mais les filles sont très belles et le côté bon enfant sympathique comme tout. Avec quatre culturistes pour le prix d'un. DVD Z2 FR  

Pêcheur d'Islande (Jacques de Baroncelli, 1924) ***
En Bretagne, une jeune femme attend le marin-pêcheur dont elle est éprise mais qui rechigne à l'épouser. D'après Pierre Loti, un mélodrame de la terre et de la mer qui met en valeur les paysages de la baie de Paimpol et évoque sans pathos la vie inquiète des familles de marins et la pêche au lointain. L'attirance du frère de l'héroïne pour le même homme ouvre une seconde histoire, toute aussi touchante. Tout en retenue, Sandra Milovanoff et Charles Vanel sont formidables. ARTE TV

Caravage / L'ombra di Caravaggio (Michele Placido, 2022) 0
Entre Rome et Naples, les dernières années de Caravage. Entièrement filmé dans une lumière dorée venant de la gauche, la crasse et la gadoue et uniquement concentré sur les tourments de ses personages torturés, un imbuvable biopic qui s'écrase sous le poids de sa propre importance et de son artifice. Par bonne intuition, je n'en ai vu que 20' puis le reste en fast-forward, avec les apparitions cachetonneuses d'Isabelle Huppert et de Louis Garrel. Revoir Derek Jarman.  BR FR 

Dans la nuit (Charles Vanel, 1929) **
Dans un village de l'Ain, un carrier qui vient de se marier doit porter un masque après un accident qui l'a défiguré. Son épouse prend un amant. Tourné en décors naturels, le seul film de Charles Vanel - qui a aussi le rôle principal - et peut-être le dernier film muet français commence comme un documentaire pour aller vers une sorte de drame fantastique assez étonnant. Quelques longueurs et une résolution décevante sont compensées par la beauté des images. France TV Replay

5 octobre 2023

Films vus par moi(s): octobre 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

Gothic (Ken Russell, 1987) **
En 1816 dans une villa du Lac Léman, la nuit mouvementée au cours de laquelle Mary Shelley à l'idée de son "Frankenstein". Seuls le décor et les costumes sont historiques, tout le reste est du Ken Russell craché : de hystérie généralisée, du tabou et de mémorables compositions visuelles inspirées du Romantisme noir comme du Surréalisme. Le tout en étant immanquablement Eighties. Avec Natasha Richardson, Gabriel Byrne en Lord Byron et Julian Sands en Percy Shelley. BR FR

Bardot (Danièle Thompson & Christopher Thompson, 2023) *
Mini-série en 6 épisodes sur la vie de Brigitte Bardot de ses 15 ans à ses 26 ans. Soit son ascension professionnelle jusqu'à "La Vérité" en 1960. Ça, c'est l'alibi parce que l'ensemble n'aborde que son rapport avec ses hommes (Vadim, Trintignant, Bécaud, Charrier, Frey...) en dressant le portrait monolithique d'une jeune femme instable et totalement auto-centrée. Le casting est bon mais comme la réalisation est passe-partout, le sentiment de répétition finit par lasser. Netflix  

The Great Buster (Peter Bogdanovich, 2018) **
Documentaire sur la vie et l'oeuvre de Buster Keaton. Ce sont les images d'archives rares - notamment l'enfance sur les planches et l'après-gloire - et le plaisir de revoir les extraits des moments les plus mémorables des courts et des longs métrages de Keaton qui font la valeur du film, plutôt que les témoignages des quelques personnalités (dont Tarantino et Knoxville...) qui n'ont pas grand chose à dire. Le portrait d'un génie qui a aussi du être un homme bien. BR FR

La conférence / Die Wannseekonferenz (Matti Geschonneck, 2021) ***
Le matin du 20 janvier 1942 dans une villa bourgeoise du lac de Wannsee, Reinhard Heydrich convoque quatorze administrateurs nazis pour officialiser la mise en place de la Solution Finale. D'après le procès-verbal retrouvé de la réunion, cette reconstitution en temps réel de l'événement est un violent rappel d'histoire et un film à la tension éprouvante dont les dialogues glaçants sont portés par une réalisation et une interprétation sans faille. Du monstre de l'idéologie. BR FR

Un homme est mort (Jacques Deray, 1972) ***
Venu à L.A. tuer sur contrat un milliardaire mafieux, un Français est lui-même chassé par un tueur à gages. Dans un rôle d'introverti plongé en terrain inconnu, Jean-Louis Trintignant parle peu et mal anglais face à Roy Scheider, Ann-Margret et Angie Dickinson et c'est assez fascinant. La violence sèche du thriller est tempérée par des respirations bien françaises qui permettent d'observer la ville au début des 70s : un Los Angeles disparu qui se révèle être la véritable vedette du film. BR FR  

L'oiseau bleu / The blue bird (Maurice Tourneur, 1918) ***
Deux enfants partis à la recherche de l'oiseau bleu du bonheur font des rencontres improbables. D'après Maeterlinck, une féérie morale où on croise le feu, l'eau, le sucre et le pain personnifiés, des enfants morts et d'autres pas encore nés, des ombres chinoises et des émules d'Isadora Duncan. Les images superbes comme la charge poétique qui se dégage doivent beaucoup au Symbolisme et l'adresse au spectateur finale est aussi inattendue qu'efficace. Un film muet particulièrement original. Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, Paris   

Les amours enchantées / The wonderful world of the Brothers Grimm (Henry Levin & George Pal, 1962) **
Vers 1810 en Allemagne, alors que Jacob Grimm (Karl Boehm) travaille sur des ouvrages linguistiques, son frère Wilhelm (Lawrence Harvey) s'intéresse aux contes populaires de la région. Très romancée, la vie des deux frères est parsemée de trois contes - avec une princesse danseuse, des pantins vivants et un dragon - et rien n'a vraiment d'intérêt. Mais le film a été tourné en Cinerama et en Technicolor et la  restauration récente en fait une expérience visuelle extraordinaire. BR US / vu en format  Smilebox   

Broadway Melody / The Broadway Melody (Harry Beaumont, 1929) **
Deux soeurs artistes - Anita Page et Bessie Love, formidables - engagées à Broadway réagissent différemment au contact de son microcosme. Le premier vrai Musical du cinéma américain semble parfois déjà vu parce qu'il est précisément à la source du style et des clichés qui définissent le genre. Le backstage, les répétitions, la compétition, la romance, les numéros musicaux... tout y est. L'histoire est un peu légère mais le film se tient bien et reste un jalon historique indéniable. BR  US

Vie privée (Louis Malle, 1962) **
Une star de cinéma fait un break dans sa carrière qui lui est devenue insupportable. Dans une mise en abyme incroyable pour l'époque, Brigitte Bardot joue Bardot dans ce drame à la réalisation assurée - découpage sec, fondus enchaînés et voix synchronisées - qui scrute de l'intérieur les tourments de l'actrice harcelée par les paparazzis. Malgré quelques longueurs, le résultat est fascinant. Brigitte Bardot, au sens propre du terme, est fidèle à elle-même : forcément sublime. BR FR

La sorcière / The mystic (Tod Browning, 1925) **
Repérée dans une fête foraine par un escroc mondain, une voyante le suit à New York pour plumer une riche héritière. Centré autour d'une spectaculaire séance dans la haute société, un rare Browning d'arnaque et de sentiment qui passe du monde des roulottes à celui des hôtels de luxe et ose une fin sans jugement. Les personnages sont bien construits et interprétés et le film, muet, bénéficie d'un nouvel accompagnement musico-bruité vraiment excellent. BR US 

The Green Knight (David Lowery, 2021) 0
Un chevalier de la Table Ronde fait un voyage périlleux pour retrouver un géant végétal qui lui a donné rendez-vous un an après s'être fait décapiter par lui au cours d'un défi. D'après un épisode Arthurien, un assoupissant navet d'une prétention de chaque instant où les personnages inclusif.ve.s chuchotent des sentences sur une B.O. de chants grégoriens. Fabriqué et sans aucune âme, une sorte du pire du cinéma d'auteur auto-proclamé. BR DE

Beau is afraid (Ari Aster, 2023) **
Paralysé par ses angoisses, un quinquagénaire tente de rendre visite à sa mère et rencontre de multiples obstacles. Le pitch est réducteur, le film étant une plongée dans les névroses de son personnage et des situations et visions, réelles et imaginaires, qui l'assaillent. C'est original et boursouflé et, sur trois heures, bien trop long mais on peut y trouver matière à réflexion et Joaquin Phoenix assure encore une performance dérangeante d'intensité. BR FR  

La cible / Targets (Peter Bogdanovich, 1968) **
A Los Angeles, alors qu'une ancienne gloire de l'horror des 30s - Boris Karloff formidable dans son dernier film - envisage de mettre un terme à sa carrière, un jeune homme s'arme et tire sur des inconnus. Sec et laissé ouvert, un passionnant film de transition entre le Hollywood ancien et nouveau autant niveau de la forme - la mise en scène moderne - que du fond - le fait divers comme horror réelle. Vu à distance, l'aspect prémonitoire en renforce le propos. BR FR

Mad God (Phil Tippett, 2021) **
Un para-militaire masqué descend dans un abysse apocalyptique grouillant de monstres et de mutants. L'histoire confuse n'a pas grande importance, l'intérêt du film reposant sur ses images de cauchemar et son univers imaginaire dégoulinant. Et surtout sur son usage sensationnel de la technique obsolète du stop-motion, dont Tippett est un maître depuis RoboCop. Au final, on ne sait pas très bien ce qu'on a vu mais on sait qu'on n'a rien vu de pareil. Un exercice de style étonnant. BR FR

La fureur de l'or noir / High, wide and handsome (Rouben Mamoulian, 1937) **
En 1859, des fermiers de Pennsylvanie qui ont trouvé du pétrole sont harcelés par un homme d'affaires qui veut s'en emparer. Irene Dunne trille en soprano dans ce musical oublié de Kern et Hammerstein qui est bien plus intéressant pour le sujet de fond - le capitalisme galopant - que pour l'opérette, assez fade. Mais on ne s'ennuie pas et il y un message.  De plus les décors, la mise en scène dynamique, la photographie et Randolph Scott sont superbes. BR US

Gens de Dublin / The dead (John Huston, 1987) ***
En 1904 à Dublin, deux vieilles soeurs invitent chez elles quelques convives habituels à leur dîner de l'Epiphanie. Très vite, on se prend à aimer chacun de ces personnages - inoubliables - avec leurs manières et leurs fêlures et on est avec eux pour cette soirée qui, comme le jeune homme évoqué à la fin, s'estompera dans la neige de temps qui passe. D'après James Joyce, le dernier film de John Huston est d'une beauté mélancolique touchée par la grâce. BR FR

Saratoga (Jack Conway, 1937) **
Un bookmaker tombe amoureux de l'héritière d'un élevage de chevaux de courses fiancée à un trader de New York. Dans le contexte - rare au cinéma - du milieu hippique, une comédie romantique assez bavarde qui étincelle par le casting, dont Hattie McDaniel, Una Merkel et bien sûr Clark Gable, charismatique en diable. Mais le film est poignant à cause de Jean Harlow, visiblement fatiguée, qui est morte pendant le tournage, à 26 ans. Une doublure de dos la remplace pour quelques scènes. BR US

Le livre de la jungle / The jungle book (Wolfgang Reitherman, 1967) ***
Aux Indes, les jours d'un garçon adopté par une panthère et un ours. Oui, la séquence des éléphants est un peu longue et l'histoire un peu plate mais quelle merveille ce Disney. Des splendides images du générique au beau final près du village, des personnalisations vocales aux immortels morceaux musicaux ("The bare necessities", "I wanna be like you"...), la magie opère à chaque fois, tous les dix ans environ. Un film qui m'est très cher : mon premier vu au cinéma. BR UK

9 septembre 2023

Films vus par moi(s): septembre 2023


*** excellent / ** bon / * moyen / 0 mauvais / NSP ne sait pas

La fièvre monte à El Pao (Luis Buñuel, 1959) *
Un fonctionnaire idéaliste se retrouve gouverneur par intérim d'une dictature bananière du Golfe du Mexique et empêtré dans les intrigues de pouvoir. Les images en superbe noir et blanc surclassent ce film mineur de Buñuel qui semble avoir été peu intéressé par le sujet. Sauf par Maria Felix, qu'il filme comme une vamp hollywoodienne. Gérard Philipe, déjà malade, terne et amaigri, ignore que c'est son dernier film et ça c'est émouvant. BR FR 

I feel good (Benoît Delépine & Gustave Kervern, 2019 ) **
Un loser-né macroniste s'installe dans la communauté Emmaüs que dirige sa soeur et tente de faire fortune en convaincant les compagnons de faire de la chirurgie esthétique pour retrouver leur estime de soi. Jean Dujardin - dans un rôle sur mesure - et Yolande Moreau encadrent un casting de non-professionnels formidable dans cette comédie drôle, absurde et touchante sur la dignité des laissés pour compte du capitalisme. Malin. BR FR  

Nefarious (Chuck Konzelman & Cary Salomon, 2023) NSP
Un serial killer dans le couloir de la mort annonce à un psychiatre qu'il est un démon caché dans le corps d'un homme lambda dont il souhaite l'exécution. Les deux acteurs - Sean Patrick Flanery en "démon" est stupéfiant - s'affrontent autour de la théologie et de l'Antéchrist dans ce film de conversation et de manipulation produit et réalisé par des ultra-conservateurs américains. Un très bon film d'horror... aux intentions très problématiques. BR US 

Tár (Todd Field, 2022) **
Une cheffe d'orchestre exigeante se retrouve prise au piège de la cancel culture. La mise en scène brillamment anxiogène et le jeu habité - on est venus pour ça - de Cate Blanchett forcent l'admiration. Mais le double conflit au coeur du récit, le discours anti-woke du début et le suicide de l'étudiante, rendent le message final confus malgré la force de la dernière image. Un film à la fois impressionnant et étrangement insatisfaisant. BR FR

Fire in the sky (Robert Lieberman, 1993) **
En 1975 en Arizona, un bûcheron est enlevé par un OVNI devant quatre collègues. Ils sont vite soupçonnés de l'avoir tué. D'après l'affaire Travis Walton, une histoire d'enquête hybridé de deux impressionnantes séquences de science-fiction - ou plutôt d'horror - placées au début et à la fin. Le reste n'est pas sans intérêt, notamment dans la description du milieu ouvrier et de l'amitié entre le disparu et son meilleur copain. Un film entre deux genres. BR AUS  

La triche (Yannick Bellon, 1984) ***
A Bordeaux, un commissaire installé a une liaison amoureuse avec un jeune homme. Malgré quelques sacrifices aux péripéties dramatiques, le film traite avec audace pour l'époque du thème de la bisexualité et des désordres qu'elle peut entraîner dans une société normative. Victor Lanoux est formidable dans un rôle inattendu pour lui, secondé par Xavier Delluc et un casting sans faute. Un film d'amour aussi sensible que responsable. BR FR

L'été nucléaire (Gaël Lépingle, 2020) **
Quand un accident survient dans la centrale nucléaire près de laquelle ils habitent, cinq amis vingtenaires se confinent dans une ferme isolée et essayent de se tenir informés de la situation. Intimiste et sans effets spéciaux, un film catastrophe tout en suggestion qui diffuse sa mélancolie avec efficacité. Les cinq acteurs sont parfaits dans leurs personnages pleins de non-dits aux prises avec une menace sourde. Une bonne surprise. DVD FR

Le pirate noir / The black pirate (Albert Parker, 1926) ***
Le seul survivant d'une attaque de pirates se venge en devenant le leader de ceux-ci, qu'il veut livrer aux autorités. Le prototype du film de pirates est un spectacle mené tambour battant avec un Douglas Fairbanks bondissant, d'excellentes scènes d'action et un Technicolor bichrome - rouge et vert - précoce. Les clichés du genre sont tous là, introduits par le film lui-même, aussi divertissant qu'influent. Un classique du muet. BR US